Nous vous souhaitons la bienvenue au château de Miravet !

Grâce à ce guide, vous découvrirez l’histoire de ce lieu et les histoires des personnes qui y ont été associées au fil du temps. Il vous suffit d’écouter et de vous laisser guider par les indications. En outre, les points du guide sont indiqués sur les différents panneaux que vous trouverez tout au long du parcours.

Mais avant de poursuivre, un mot d’avertissement : lorsque le réseau Wi-Fi a été installé dans le château, de mystérieuses interférences venues du passé ont été détectées. De temps à autre, les voix des personnes qui ont vécu ici se font entendre. N’ayez pas peur et écoutez-les.

Dirigez-vous maintenant vers le premier point du guide, situé en haut des escaliers menant aux écuries. Commençons !   

Ce château est une impressionnante forteresse de l’ordre du Temple datant des XII^e et XIII^e siècles. Cet ordre, fondé en 1120 à Jérusalem, a été le premier ordre religieux et militaire de la chrétienté. Sa principale mission était de protéger et de veiller sur les pèlerins chrétiens qui se rendaient en Terre sainte, mais aussi de conquérir ces territoires et de défendre les sanctuaires.

Pendant plus de 150 ans, ce château a été le siège principal des commanderies templières de l’Èbre et il est devenu un grand centre de pouvoir en Catalogne. De là, un réseau militaire et économique a été mis en place, défiant même les rois les plus puissants de l’époque.

Vous vous êtes peut-être demandé pourquoi le château se trouve à cet endroit et pas ailleurs ? C’est à cause de la vue, bien évidemment. Ce lieu, situé sur une colline à une centaine de mètres au-dessus du niveau de la mer, est un point de vue privilégié d’où l’on peut voir une partie de l’Èbre et les terres environnantes. Grâce à sa position stratégique, il a été habité dès l’époque préhistorique. Les Ibères s’y sont installés, les Romains aussi probablement, et plus tard les musulmans et les chrétiens. De là, ils pouvaient dominer un territoire où l’eau et le fleuve ont façonné le paysage, l’économie et les relations humaines.

Pour poursuivre la visite, dirigez-vous vers le point suivant du guide.

Vous connaissez maintenant le château des Templiers, mais cet endroit a bien plus de secrets à vous livrer. Savez-vous que sous ces pierres se trouvent les vestiges d’un hisn, c’est-à-dire d’une forteresse arabe ? C’est le souvenir d’une société qui, sous le nom d’al-Andalus, a dominé ces terres entre le VIII^e et le XII^e siècle et qui a finalement été soumise par les nouveaux seigneurs féodaux. Et ce n’est pas tout : ces murs ont été les témoins de nombreux autres épisodes historiques, souvent marqués par des conflits et des guerres, jusqu’à une période avancée du XX^e siècle

Lorsque l’on voit le château de Miravet pour la première fois, on est frappé par sa hauteur impressionnante et l’épaisseur de ses murs. Mais une fortification aussi robuste était-elle vraiment nécessaire pour se défendre contre les armes de l’époque, ou cachait-elle d’autres intentions ?

Comme vous le savez, ce château a été bâti à l’emplacement de l’ancien hisn ou château arabe, en respectant en partie son tracé d’origine. Mais l’ordre religieux des Templiers ne s’est pas contenté d’occuper la forteresse, il voulait faire comprendre qu’une nouvelle puissance était arrivée. Il a fait construire un édifice imposant pour en faire un symbole de l’autorité chrétienne et pour effacer la trace des Sarrasins, car c’était ainsi que les chrétiens appelaient les habitants d’al-Andalus après la conquête. Comme souvent au cours de l’histoire, effacer et remplacer les symboles d’une autre culture est une façon d’affirmer la sienne.

Comme vous pouvez le constater, Miravet – ou Murabit, comme on l’appelait à l’époque d’al-Andalus – a été un lieu où différentes cultures se sont installées. Mais à quoi ressemblait la vie ici au cours de l’histoire ? Comment le pouvoir est-il passé des uns aux autres ? Comment les différentes communautés religieuses qui ont coïncidé sur le territoire ont-elles coexisté ? Comment vivaient les habitants du village ? Les réponses vous attendent entre ces murailles.

Pour continuer votre visite, descendez les escaliers à côté de vous et arrêtez-vous à la porte des écuries, c’est-à-dire le bâtiment qui se trouve sur le dernier palier à droite.

Cet espace a connu différents usages au fil du temps et conserve les traces des sociétés qui l’ont habité.

Les vestiges les plus anciens sont deux murs ibères du II^e siècle av. J.-C., qui faisaient probablement partie d’un petit village. Ce sont les deux murs qui se trouvent au milieu de la pièce.

On y trouve également des vestiges de l’hisn, le château construit à l’époque islamique.

Mais le bâtiment que vous voyez aujourd’hui a été construit entre le XII^e et le XIII^e siècles par les Templiers, qui l’ont utilisé à des fins administratives et de stockage. À l’époque, il possédait une grande porte avec un arc en plein cintre. Des années plus tard, le roi Jacques II d’Aragon, dit le Juste, a expulsé l’ordre du Temple de Miravet et a donné le château à un nouvel ordre, celui de Saint-Jean de Jérusalem ou des Hospitaliers. Les Hospitaliers ont transformé l’espace en écuries entre le XIV^e et le XV^e siècle, et ont aménagé des mangeoires pour les animaux, encore visibles aujourd’hui de part et d’autre.

Ces murs ont donc été les témoins d’importants changements sociaux, et l’espace a été adapté à différents usages selon les besoins de chaque époque.

Pour savoir comment s’est déroulée la transition entre le pouvoir musulman et la nouvelle société féodale, rendez-vous sur la terrasse en contrebas et avancez jusqu’au bout, où vous trouverez le panneau suivant.

Vous vous trouvez maintenant sur l’esplanade inférieure du château, connue sous le nom de basse-cour. Cet espace trouve probablement son origine dans l’albacar, qui était l’enceinte de la période musulmane. Il a toujours été à ciel ouvert, comme aujourd’hui, et était entouré d’un mur allant jusqu’aux falaises pour éviter les attaques directes de l’enceinte principale.

En outre, cet espace servait également de refuge à la population et au bétail en cas de menaces extérieures, en particulier à l’époque d’al-Andalus, avant la conquête définitive de ce territoire par les chrétiens. Plusieurs décennies d’attaques constantes ont poussé de nombreux habitants à quitter les villages et à fuir vers des zones plus sûres.

Dialogue : Deux personnages musulmans se réfugient dans l’albacar pour se protéger des attaques des comtes catalans.

On entend un troupeau de moutons en arrière-plan.

• Homme : Je n’en peux plus. Nous passons la plupart de notre temps ici, à l’abri dans le château.
• Femme : Il nous faut avoir foi. Allah nous aidera à arrêter les soldats chrétiens.
• Homme : Les chrétiens ont déjà pris Ṭurṭūša et Lārida. La prochaine ville à tomber sera Murabit. Et je ne veux pas être là quand ça arrivera. J’en ai assez de vivre dans la peur.
• Femme : Et qu’est-ce que tu veux faire, abandonner nos terres ? Laisser derrière nous notre maison et celle de nos ancêtres ?
• Homme : Mais tu n’as pas entendu ce qu’ils font aux gens lorsqu’ils prennent le contrôle des villes ? Ceux qui ne sont pas tués deviennent des esclaves !
• Femme : Dans certains endroits, leur vie a été épargnée et ils ont pu continuer à exploiter la terre.
• Homme : Je t’assure que je ne vais pas attendre que les envahisseurs décident de notre sort. Dès que le calme sera revenu, nous partirons vers le sud, en direction de Balansiya. Ils ne pourront jamais y pénétrer.

Lorsque les chrétiens se sont emparés de ces terres, les chroniques de l’époque rapportent qu’il y a eu un véritable bain de sang. La plupart des musulmans ayant survécu ont été expulsés ou faits captifs, c’est-à-dire qu’ils sont devenus des esclaves. De nombreuses régions se sont retrouvées inhabitées et dans des endroits comme Siurana, Ulldecona et La Sénia, la population musulmane a complètement disparu.

Dans certaines contrées comme la Ribera d’Ebre, notamment à Ascó, Móra et Vinebre, une partie de la population musulmane vaincue a été autorisée à rester, ce qui a conduit à une coexistence entre les communautés musulmanes et chrétiennes qui vivaient séparément, sans véritable intégration. Dans d’autres endroits, comme Miravet, Benissanet et Riba-roja, la présence musulmane a été maintenue presque exclusivement, non pas par compassion, mais parce que leur habileté à cultiver la terre représentait une source de richesse pour les nouveaux seigneurs féodaux. Ces communautés ont conservé une certaine autonomie ; elles étaient administrées par une institution appelée aljama et fonctionnaient juridiquement en marge des chrétiens.

Cette coexistence s’est interrompue au début du XVI^e siècle, lorsque les musulmans ont été contraints de se faire baptiser et sont devenus de nouveaux chrétiens, également connus sous le nom de Morisques. Au XVII^e siècle, les Morisques ont été définitivement expulsés d’Espagne sur ordre du roi Philippe III.

Pour poursuivre la visite, longez le mur jusqu’à la terrasse sud. Vous pourrez y accéder à travers une ouverture dans la muraille.

À l’époque d’al-Andalus, les environs de Miravet étaient essentiellement constituées de petits lopins de terre cultivés par des paysans experts en la matière. Aujourd’hui, si vous regardez attentivement, le paysage forme toujours une mosaïque de cultures, comme il l’était à l’époque.

Les parcelles étaient situées autour des habitations et à proximité des berges du fleuve, mais suffisamment à l’écart des zones inondables. Elles étaient irriguées grâce à des norias, un ingénieux système mécanique utilisé pour remonter l’eau du fond des puits et que les Arabes avaient implanté sur l’ensemble de leurs territoires. Vous pouvez en voir une illustration dans le panneau explicatif. On trouve encore aujourd’hui des vestiges de certaines de ces roues à godets dans le village.

Ces parcelles permettaient de cultiver des produits maraîchers tels que des navets, des choux, des aubergines, des melons et des pastèques, pour la plupart des denrées introduites sur ces terres par les Arabes. Un peu plus loin, dans les zones à l’écart des crues du fleuve, poussaient des céréales, des vignobles et des arbres fruitiers, comme des figuiers. La culture des oliviers était également très importante car, même si une partie des olives étaient conservée pour la consommation, la plupart servaient à fabriquer de l’huile destinée à la cuisine, à la conservation des denrées alimentaires et aux lampes pour s’éclairer. Une partie de l’huile était produite dans le moulin à huile du château, qui possédait une grande presse.

En plus des champs, il y avait de nombreuses terres non cultivées fournissant des ressources naturelles comme du gibier, du poisson, des fruits sauvages et du bois de chauffage. Elles étaient également utilisées comme pâturages pour les troupeaux.

Miravet était également réputé pour ses poteries. Devant les portes de nombreuses maisons du village se trouvaient de grandes caisses en bois remplies de pièces en terre cuite, telles que des cruches, des bols, des assiettes et des pots.

Lorsque les chrétiens ont conquis Miravet, ils ont permis aux paysans musulmans de rester et de maintenir leurs systèmes de culture. Cependant, ils ont accordé une plus grande importance à la production de céréales et de vin, car ces denrées étaient faciles à stocker.

Sous le règne des Templiers, le château de Miravet n’a pas été uniquement une fortification militaire. Il fonctionnait surtout comme un centre administratif depuis lequel la justice était rendue et les impôts étaient perçus ; il s’agissait des fameuses rentes féodales, qui étaient liées à l’utilisation des infrastructures, comme les moulins ou le fleuve lui-même, ou qui correspondaient, tout simplement, au prélèvement d’une partie des récoltes ou du bétail.

En outre, la position stratégique du château permettait de contrôler cette partie de l’Èbre, à la fois pour faciliter le commerce de toutes sortes de marchandises et pour gérer des services essentiels, mais aussi pour permettre le passage d’une rive à l’autre. Il servait également à surveiller les incursions éventuelles de pirates à travers le fleuve, une menace réelle à l’époque. Oui, vous avez bien entendu : il y avait des pirates sur l’Èbre.

Maintenant, pour poursuivre la visite, rendez-vous sur l’esplanade située devant la porte d’entrée du château. Au milieu se trouve un panneau, qui correspond à la piste suivante.

La prise du château de Miravet par les chrétiens s’inscrit dans le processus de conquête des territoires d’al-Andalus, au-delà de Tarragone, ce que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de Nouvelle Catalogne.

Entre 1148 et 1149, le comte Raimond Bérenger IV s’est emparé de Tortosa et de Lleida, suite à des sièges longs et difficiles. Les musulmans ont opposé une résistance farouche, mais les villes ont fini par capituler. La conquête s’est accompagnée de massacres et de nombreuses personnes ont été faites captives.

En 1153, après quatre siècles de présence arabe en Nouvelle Catalogne, Siurana et Miravet ont été les dernières localités à tomber aux mains de la nouvelle société féodale. Dès sa conquête, Raimond Bérenger IV a cédé le château arabe à l’ordre du Temple.

Le moment est venu de pénétrer dans le château. Mais auparavant, jetez un coup d’œil au bastion, cet ouvrage fortifié devant vous, sur votre gauche, qui protège l’enceinte. Ce bastion ne date pas de l’époque des Templiers, il s’agit d’une construction plus moderne, probablement bâtie au XVIII^e siècle sur une ancienne tour de défense de l’époque des Hospitaliers. Les fouilles archéologiques ont également mis au jour les vestiges de l’ancienne muraille arabe. Cette construction défensive témoigne de la façon dont les éléments du château ont été transformés pour les adapter aux besoins du moment.

Maintenant, franchissez la porte permettant d’accéder dans la haute-cour, la partie supérieure du complexe, où se trouve le cœur du château des Templiers. De part et d’autre du passage d’entrée, vous trouverez la citerne, un réservoir où était stockée l’eau du château, et le corps de garde, le lieu où se tenaient les soldats qui gardaient l’entrée de la haute-cour.

Dialogue entre un soldat du corps de garde et Saïd, un jeune homme qui apporte des légumes au château.

Soldat : Halte-là ! Qui va là ?

Saïd : As-salamu alaykum. Que la paix soit avec vous.

Soldat : Je ne t’ai jamais vu. Qui es-tu et que portes-tu dans ton panier ?

Saïd : Je m’appelle Saïd et j’apporte des légumes à la cuisine.

Soldat : Laisse-moi voir… Hum, ces légumes sont beaux ! Vous avez eu une bonne récolte.

Saïd : Oui, il y a des choux-fleurs, des épinards et des fèves.

Soldat : Des fèves ? Déjà ?

Saïd : Cette année, le froid est arrivé de bonne heure. Il y a aussi quelques panais. Et des grenades très sucrées.

Soldat : Fais voir… Donne-m’en une !

Saïd : Elles sont pour le château.

Soldat : À qui tu crois que tu parles ? Je ne te laisserai passer que si j’en ai envie.

Saïd : Bon, d’accord. Voilà.

Soldat : Et pas un mot de tout cela. Et maintenant entre, à force de discuter tu vas être en retard.

Saïd : In shā’ Allāh.

La prochaine étape de la visite est le panneau de la cour, situé au bout du passage d’entrée.

Voici la place d’armes, l’espace qui structurait la haute-cour, à savoir la partie supérieure du château.

À l’intérieur de l’enceinte, au niveau inférieur, en partant de la droite, on trouve un premier espace sans toit, qui était l’accès au bastion, puis le réfectoire, un entrepôt et une entrée menant à la poudrière et au cellier.

À l’étage se trouvent les pièces les plus importantes : au premier étage, la galerie, avec quatre fenêtres, dont une transformée en porte ; derrière la galerie, l’église ; et, au-dessus de la galerie, la salle du commandeur, la plus haute autorité de l’ordre dans la région, qui possède deux petites fenêtres.

À l’époque des Templiers, on accédait à la galerie par une échelle en bois amovible en cas d’attaque, qui reposait sur les deux corbeaux au-dessus de la fenêtre de gauche. Aujourd’hui, si vous regardez attentivement le mur en face de vous, vous pouvez encore en voir un.

Sur la gauche, un bâtiment, aujourd’hui disparu, abritait une écurie, un four et, à l’étage, peut-être le dortoir des Templiers. À droite, une passerelle en bois surélevée reliait le bâtiment du réfectoire à la galerie.

Si vous voulez savoir comment était le réfectoire, vous pouvez voir la reconstitution en 3D dans le guide.

La salle du commandeur était le véritable centre de commandement du château. Il n’est pas possible de la visiter actuellement, car elle n’est pas aménagée, mais on pouvait y accéder par un couloir situé au-dessus du réfectoire, puis en traversant une petite terrasse. Avec un peu d’attention, on peut encore voir la trace de cet ancien couloir sur le mur.

Le commandeur dirigeait l’ensemble du château, administrait les villes et les terres qui dépendaient de la forteresse et exerçait un contrôle administratif sur le reste des commanderies de Terres de l’Ebre. Avec la tour du trésor, cette salle était l’espace le mieux défendu de tout le complexe.

C’est ici, sur la place d’armes, que les Templiers s’entraînaient pour partir à la guerre. Mais quelle guerre ?

À l’époque, des chrétiens fortunés voulaient se rendre en Terre sainte pour visiter la ville sacrée de Jérusalem. Mais ces terres étaient sous contrôle musulman et les pèlerins qui s’y rendaient s’exposaient à de nombreux dangers.

En 1095, le pape Urbain II a lancé un appel aux royaumes européens pour qu’ils créent une armée afin de conquérir ces territoires. De nombreux chevaliers ont répondu avec enthousiasme, et c’est ainsi que les croisades ont débuté. Dialogue dans la cour du château entre Hug, jeune aspirant templier, et son maître dans l’art de la guerre.

Bruit de deux grandes épées lourdes qui s’entrechoquent.

Maître : Bon travail, Hug ! C’est suffisant pour aujourd’hui.

Le cliquetis des épées cesse.

Hug (légèrement essoufflé par l’effort) : Comment me suis-je débrouillé, maître ?

Maître : Bien. Tu t’améliores de jour en jour.

Hug (heureux) : Merci, maître ! Pensez-vous que je suis prêt à être fait chevalier ? J’ai hâte d’aller en Terre sainte !

Maître : Calme-toi, mon garçon, calme-toi. Tu n’as que onze ans. Ne sois pas pressé. Ou tu veux tomber dès le premier affrontement ?

Hug (déçu) : Mais, maître… je me prépare depuis longtemps. Je suis un bon guerrier.

Maître : Les ennemis aussi se préparent. Et je t’assure qu’ils se battent comme des lions.

Hug : Mais Dieu est de notre côté ! Et il m’aidera. Le dieu qu’ils adorent est faux.

Maître : Mon garçon, écoute-moi bien. J’ai vu les hommes les plus forts et les plus courageux que tu puisses imaginer tomber sur le champ de bataille. Des hommes saints rompus à l’art de la guerre. Les infidèles sont inspirés par le diable, mais Dieu sait combien ils savent se battre.

Hug : Je ne comprends pas, maître. S’ils sont si dangereux, pourquoi les laisse-t-on vivre à Miravet ? Pourquoi ne pas en finir avec eux ?

Maître : Mon garçon, ceux-ci nous sont utiles. Ou est-ce que tu veux passer ta vie à récolter des navets et des choux ?

L’ordre du Temple a été fondé en 1120 à Jérusalem par un groupe de chevaliers dirigés par le noble français Hug de Payens. Il s’agit du premier ordre religieux et militaire de la chrétienté.

Sa mission principale était de protéger les pèlerins chrétiens et de veiller sur eux, ainsi que de défendre les lieux sacrés de Terre sainte.

En tant qu’ordre religieux et militaire, aux vœux monastiques de pauvreté, d’obéissance et de chasteté s’ajoutait une promesse militaire. Ils considéraient en effet qu’ils servaient Dieu aussi bien par la foi que par l’épée.

Les Templiers se sont implantés dans toute l’Europe. Entre le XII^e et le XIV^e siècle, ils sont devenus l’une des institutions religieuses et militaires les plus puissantes du continent. Ils étaient soutenus par les rois et les papes.

Mais comment ont-ils réussi à amasser une fortune aussi conséquente ?

L’ordre administrait des terres, exploitait les ressources et percevait des rentes féodales auprès de la population en échange de sa protection. Il disposait également d’infrastructures qui permettait d’obtenir des bénéfices et recevait d’importantes donations de la part des nobles et des rois. Il était également exonéré d’impôts, ce qui lui permettait d’accumuler encore plus de richesses.

Cependant, cette immense fortune n’était pas utilisée pour des luxes personnels, mais pour financer la grande mission qui leur incombait : défendre la chrétienté et la guerre sainte.

Dans l’ordre du Temple, tout le monde n’avait pas le même statut ni les mêmes fonctions.

Au sommet de la hiérarchie se trouvaient les chevaliers mais, en réalité, seul un Templier sur dix appartenait à ce groupe. Leur vie tournait autour de la prière et de la préparation pour partir à la guerre.

La présence de femmes templières était rare, bien que quelques cas isolés aient été rapportés, comme celui d’Ermengarda d’Oluja, qui était commandatrice de Raurell, sur les rives du Francolí. Dans le château, il y avait d’autres femmes, comme les donates, qui étaient des femmes laïques qui, comme les hommes, se mettaient au service du château pendant une durée précise. Mais dans le cas des femmes, elles devaient toujours être accompagnées de leur mari.

La plupart des membres de l’ordre étaient des sergents dont la mission était de servir les chevaliers, mais certains étaient aussi des soldats.

Au plus bas de l’échelle se trouvaient les frères de métier, qui s’occupaient des tâches quotidiennes. Il s’agissait de forgerons, de maçons, de cordonniers, de tailleurs et de cuisiniers, mais aussi d’agriculteurs, de bergers et de meuniers.

Il y avait aussi dans le château d’autres personnes qui n’étaient pas des Templiers mais qui faisaient partie de leur entourage.

Il y avait des serviteurs – hommes et femmes – qui pouvaient vivre à Miravet et aller et venir tous les jours entre le village et le château. Leurs tâches étaient très variées et ils pouvaient travailler dans les champs, s’occuper des animaux, nettoyer le château ou faire la lessive pour les templiers.

Enfin, il y avait les captifs – une manière aimable d’appeler les esclaves – qui vivaient dans des conditions plutôt précaires, sans aucun droit.

Pour poursuivre la visite, entrez dans le réfectoire par la deuxième porte à droite, quand on regarde la façade principale.

Cette grande salle était le réfectoire, la salle à manger des templiers. Cependant, ses dimensions suggèrent que cet espace n’a pas été uniquement un réfectoire, il aurait servi à d’autres choses, par exemple comme dortoir commun pour les frères et même comme espace de réunion ou salle de séjour.

Le niveau du sol d’origine était plus élevé, il se trouvait à environ cinquante centimètres sous les fenêtres de droite. Des fouilles archéologiques récentes ont permis de retirer plusieurs mètres de matériaux de remblai, exposant la base des colonnes templières et les vestiges de l’ancien hisn arabe, ce fragment de mur et les gros blocs de pierre tombés à gauche.

Mais attention, ces colonnes ne sont pas étêtées, elles faisaient partie d’un projet de construction resté inachevé. Vous pouvez lire toute l’histoire sur les panneaux d’information.

Si vous voulez savoir à quoi ressemblait le réfectoire, vous pouvez voir la reconstitution en 3D dans le guide.

Les Templiers mangeaient à des tables communes et toujours par deux, pour éviter de succomber à la tentation de la gourmandise. Pendant les repas, ils devaient écouter en silence la lecture de textes religieux, faite par l’un des templiers.

La nourriture était simple, préparée avec des produits locaux. Cette salle propose un jeu interactif pour en savoir plus.   

Les serviteurs et les captifs, en revanche, avaient un régime alimentaire beaucoup plus pauvre. Selon la règle templière, ils recevaient des tranches du pain restant de la journée et un dixième du total des pains déposés en guise d’aumône. Ce n’est que le dimanche qu’ils pouvaient manger un peu de viande.

Maintenant, quittez le réfectoire et montez à l’étage principal par les escaliers métalliques (les escaliers en pierre ne sont pas aménagés). Lorsque vous serez en haut, restez dans la galerie, c’est le point suivant du guide.

La galerie était un espace de transition, comme un petit cloître, qui permettait de circuler dans le château et laissait également la lumière naturelle pénétrer dans l’entrée de l’église, grâce aux grandes fenêtres en arc de cercle.

Les moines hospitaliers – qui, comme vous le savez, ont pris le contrôle du château après les templiers – appelaient cette galerie de profundis, en référence aux chants funéraires. Cela suggère que les cérémonies d’enterrement des frères de l’ordre avaient peut-être lieu dans cet espace.

Si vous observez attentivement les murs de la galerie, vous verrez une bande de peinture blanche qui suit les joints entre les pierres. Ce sont en réalité de faux joints, une technique décorative qui, en plus d’apporter une touche esthétique, protégeait les murs de l’humidité et de la dégradation. Cette décoration spéciale apparaît également dans d’autres parties du château, comme l’intérieur de l’église et la tour du trésor. La décoration suit un motif de lignes horizontales rouges et verticales noires, les couleurs que l’on retrouve sur les capes des templiers. Savez-vous que les couleurs des templiers symbolisaient les principes de l’ordre ? Le noir représente la force et le courage ; le blanc, la pureté et la chasteté ; et le rouge, le sang du Christ.

Maintenant, pour poursuivre la visite, pénétrez dans l’église.

Cette église était la chapelle de la commanderie de Miravet et elle était réservée aux frères templiers du château. Ils y passaient de nombreuses heures, car la règle templière prévoyait jusqu’à huit offices quotidiens, qui rythmaient la vie de la communauté.

Cet espace n’était pas seulement un lieu de prière, c’était aussi un symbole du pouvoir, de la spiritualité et de la résistance du château de Miravet.

L’église possède une seule nef surmontée d’une voûte en berceau légèrement brisée.

L’intérieur est plutôt sobre et ne reçoit un peu de lumière naturelle qu’à travers quatre fenêtres et la rosace. La fenêtre la plus remarquable est celle de l’abside, orientée vers l’est et appelée fenêtre du Soleil levant, car elle symbolise la résurrection du Christ. Vous verrez qu’elle est décalée par rapport au centre. La raison ? La tour du trésor, qui se trouve juste derrière, a été construite plus tôt, et la fenêtre a donc dû être adaptée.

Les autres fenêtres se trouvent dans le mur nord. Sur le mur ouest se trouve la rosace, dont quelques vestiges ont été conservés.

À l’extrémité de l’église, un escalier en colimaçon mène à la terrasse supérieure. Si vous voulez y monter plus tard, faites attention car l’escalier est étroit et les marches sont usées.

Si vous observez attentivement les murs, vous verrez plusieurs croix de consécration, inscrites dans un cercle, à hauteur de tête. Elles font partie du rituel visant à rendre l’église apte au culte divin. Il y a également des croix gravées à deux mètres du sol qui, à l’origine, étaient peintes en rouge.

Si vous souhaitez voir un élément original de cette église conventuelle, vous pouvez visiter l’ancienne église du village de Miravet, aujourd’hui transformée un musée. Elle abrite la table d’autel du XII^e siècle, jadis utilisée dans l’église du château.

Si vous voulez savoir comment était le bâtiment à l’origine, vous pouvez voir la reconstitution en 3D disponible dans le guide.

C’est ici, dans l’église, qu’avait lieu la cérémonie de réception dans l’ordre.

Mais être admis dans l’ordre du Temple n’était pas à la portée de tous. En plus d’être soldats, ils prononçaient également trois vœux monastiques : pauvreté, obéissance et chasteté. Pour devenir Templier, il fallait d’abord être fait chevalier, ce qui n’était possible que pour les personnes issues de la noblesse.

Les chevaliers suivaient la règle templière, une liste de 76 articles qui a ensuite été étendue à près de 700. L’obéissance était le principal vœu, et une série de châtiments étaient prévus si les ordres n’étaient pas respectés. Les trahisons de toute nature contre l’ordre ou le christianisme, ainsi que l’homosexualité, étaient considérées comme des fautes graves.

Les relations avec les femmes étaient également punies, mais seulement par la perte de l’habit. L’article 53 de la Règle du Temple précise l’image de la femme pour les Templiers et pour la chrétienté en général. Il y est dit, littéralement : « La compagnie des femmes est une chose dangereuse. Nombreux sont ceux que, par la fréquentation des femmes, le Diable a rejetés du droit sentier du paradis. Que les dames, en qualité de sœurs, ne soient jamais reçues en la maison du Temple ».

La cérémonie d’entrée dans l’ordre consistait en un long processus. Tout d’abord, le candidat devait prononcer les vœux et prêter serment. Ensuite, si personne ne s’y opposait, il était officiellement accepté avec une phrase très claire sur ce qui l’attendait : « Nous vous promettons du pain et de l’eau, et la pauvre robe de la maison, et de la peine et du travail assez ».

Dans l’abside semi-circulaire, sur votre gauche, se trouve la sacristie et, au fond, une porte menant à la tour du trésor. Mais cet accès est moderne et fermé au public ; à l’époque des Templiers, le seul accès à la tour du trésor se faisait par la salle du commandeur.

Dans cette tour se trouvaient l’argent et les objets les plus précieux de la commanderie de Miravet. Mais, surtout, c’était le lieu où était conservé le Trésor provincial : les archives centrales de la province de Catalogne et d’Aragon de l’ordre du Temple.

Les biens que renfermait la tour du trésor attribuaient aux Templiers un pouvoir qui se manifestait de trois manières. Dans le domaine économique, parce qu’ils leur procuraient une telle indépendance financière que même les rois leur empruntaient de l’argent. Du point de vue social et politique, car ils pouvaient influencer les décisions des souverains eux-mêmes. Enfin, au niveau symbolique et religieux, parce que leur richesse leur permettait de financer la guerre sainte, ce qui confirmait leur statut de protecteurs de la foi chrétienne.

Mais au début du XIV^e siècle, tout ce pouvoir était devenu embarrassant pour Philippe IV, dit Philippe le Bel, roi de France. C’est ainsi que, avec l’aide du pape, il a décidé de mettre fin à l’ordre du Temple. Cela leur permettait à tous les deux d’annuler leurs dettes envers les Templiers et, par la même occasion, de s’emparer de leurs richesses.

Le pape a alors convaincu le roi Jacques II d’Aragon de favoriser la persécution des Templiers en Catalogne. Mais les châteaux de l’ordre se sont farouchement défendus et Miravet est devenu le dernier bastion de Catalogne. Il a résisté à un siège d’un an avant de capituler.

En 1308, le château est tombé entre les mains des officiers royaux et, en 1312, l’ordre du Temple a été officiellement dissolu par le pape Clément V. Tous ses biens, y compris le château de Miravet, ont été transférés à l’ordre militaire des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem.

Après leur disparition, un mythe s’est progressivement développé autour des Templiers, sur la base de fausses légendes et croyances. Et leur héritage a été instrumentalisé : on leur a attribué des valeurs fondatrices qui ne correspondent pas toujours à la réalité, mais qui ont été utiles à certains courants de pensée.

C’est ici que s’achève la visite guidée. Nous espérons qu’elle vous a plu et qu’elle vous a aidé à comprendre l’histoire du château et de son territoire, avec tous ses niveaux de lecture. Vous pouvez maintenant redescendre dans la cour ; sous la galerie et l’église se trouve un cellier qui, au Moyen Âge, devait contenir les outres et les pressoirs à vin. Les vestiges d’une presse subsistent également. C’est dans cet espace que vous pourrez profiter de l’expérience de réalité virtuelle.