Vous êtes sur le point de pénétrer dans la Roca dels Moros.
C’est ici que commence un voyage palpitant dans le temps qui vous transportera plusieurs milliers d’années en arrière.

À l’époque préhistorique, des hommes et des femmes ont vécu sur ces terres et ont laissé des messages inscrits sur la pierre.

Serons-nous capables de comprendre et d’interpréter le sens de ces messages ?
Pourrons-nous savoir pourquoi ils ont choisi ce rocher comme endroit où se réunir et célébrer des cérémonies ?

Nous nous dirigeons maintenant vers la baume, une cavité naturelle peu profonde.

En chemin, profitez du paysage.
Si vous regardez autour de vous, vous verrez des forêts de chênes verts et de chênes rouvres dans les parties les plus hautes, et un sous-bois de type maquis composé de chênes kermès, d’aubépines, de cytises épineux, d’ajoncs et de thym.
C’est une végétation typique du climat méditerranéen de l’arrière-pays qui est sec.
Si vous voulez savoir à quoi ressemblent exactement ces arbres et arbustes, vous pouvez consulter votre guide.

Sur cette terre, on produit de l’huile d’olive, des amandes et du vin.
De fait, l’olivier est la culture la plus répandue dans la région.
Les oliviers typiques d’ici sont de la variété arbequina.
Leurs olives, petites et rondes, donnent une huile à l’acidité très faible, considérée par les connaisseurs comme l’une des meilleures.

À 500 mètres environ de l’endroit où vous êtes, vous pouvez voir le village d’El Cogul.
Il se trouve sur un replat, sur les bords de la rivière Set.
Son économie repose essentiellement sur l’agriculture.
Les principales cultures sont les amandiers et, naturellement, les oliviers de la variété arbequina.

El Cogul est un petit village de 170 habitants de la région de Les Garrigues, dans la province de Lleida.

Vous voulez voir à quoi ressemble El Cogul ? Vous trouverez quelques images dans le guide.

Les habitants d’El Cogul forment une communauté très ancienne, ces terres ayant été habitées de manière continue dès le Paléolithique.
De fait, dans un rayon de 50 kilomètres, on trouve de nombreux sites archéologiques avec des vestiges de peuplements anciens.

Au Paléolithique, les humains étaient nomades, ils ne vivaient pas à un endroit fixe, et ils se nourrissaient des animaux qu’ils chassaient et des fruits et graines qu’ils cueillaient.

Ces premiers habitants ont choisi ces terres en raison du climat agréable de la région, de la facilité à trouver des aliments et de la présence d’eau grâce aux torrents qui se jettent dans la rivière Set.

Par la suite, au Néolithique, ils se sont sédentarisés.
Ils ont alors commencé à se consacrer à l’agriculture et l’élevage, des activités qui ont modifié le paysage.

Nous y sommes enfin ! Vous voici devant les peintures rupestres de la Roca dels Moros.
Il s’agit d’un ensemble de 55 figures peintes et 260 gravures.
Sur votre mobile ou votre tablette, vous pouvez voir une reproduction de la baume en 3D, avec la localisation de toutes les peintures et des informations comme le nom, le type de figure et la période à laquelle appartient chacune d’elles.

La plupart des peintures reproduisent le corps humain de manière très réaliste, avec un grand souci du détail.
Les figures font généralement partie d’une scène.
Ce style est connu sous le nom d’art levantin.

La scène qui attire le plus l’attention, sur la droite, représente un groupe de femmes plus grandes que le reste des figures.
Elles portent des jupes longues et sont bien peignées.
On dirait qu’elles ont de grands seins, mais il est fort probable qu’elles participent à une cérémonie et portent des colliers ou des sacs pour transporter de la nourriture.

Au-dessus des femmes, on voit un groupe de biches avec un faon.
Elles entourent un cerf, identifiable à ses grands bois.
Aux pieds du groupe de femmes, il y a une autre biche, allongée par terre et le ventre vide.

Plus à gauche, on voit d’autres animaux sauvages, typiques de la faune méditerranéenne
comme des chèvres, des bovidés, des cerfs et des sangliers.

Certains sont difficiles à distinguer car les traits se sont estompés peu à peu à cause de l’érosion due à la pluie et au vent.

Au milieu du groupe de femmes, il y a aussi un petit homme avec un phallus disproportionné.
Il porte uniquement des rubans ou des plumes attachés à l’hauteur des genoux.
Les premières interprétations ont porté sur ce personnage masculin et disaient qu’il représentait une danse phallique ou un rituel de fertilité.

En haut, à droite, il y a un autre homme.
Il tient un arc et des flèches et semble viser la tête d’un sanglier.

De l’autre côté, en haut à gauche, on peut voir une autre scène de chasse.
Une personne avec un arc vise un cerf et, plus haut, un autre cerf git, mort, les pattes en l’air.

Ces figures sont dessinées avec des lignes simples, dans un style schématique, et contrastent avec le style détaillé de l’autre chasseur ou du groupe de femmes.

La plupart des figures ont été peintes entre le Paléolithique et le Néolithique, il y a environ 10 000 ans.

L’art levantin remonte à la période comprise entre le Paléolithique et le Néolithique.
L’art schématique appartient au Néolithique.

En plus des représentations humaines et animales, au-dessus et en dessous de la scène de chasse, il y a des inscriptions d’origine ibère, beaucoup plus récentes, datant d’il y a 2 000 ou 2 500 ans.

Elles s’organisent en deux lignes parallèles et respectent les peintures rupestres.
Malheureusement, la langue ibère a été peu étudiée jusqu’à présent et on ignore encore la signification de ces gravures.

Il y a également une inscription d’époque romaine, en latin, datant d’il y a environ 2 000 ans, disant : « Secundi fit un vœu ».

Apparemment, quelqu’un a fait une promesse à la divinité en échange d’une faveur. Une fois obtenue, la personne a écrit qu’elle avait respecté sa promesse sur ce rocher d’El Cogul.

Maintenant que vous avez vu la paroi et ses figures, peut-être vous demandez-vous : qui a effectué ces peintures et gravures ? de quelles époques sont-elles ? quel est leur sens ? que se passe-t-il dans les scènes que nous voyons ?

Procédons étape par étape.

Nous savons aujourd’hui que les peintures et gravures de la Roca dels Moros ont été réalisées à différents moments de la préhistoire et de l’histoire.

Des femmes et d’autres éléments ont été rajoutés, profitant des espaces vides qu’il y avait.

On peut donc dire que l’ensemble de peintures n’a pas été planifié dès l’origine mais s’est enrichi avec le temps, combinant histoires anciennes et pensées nouvelles.

Ce fait remet en question toute interprétation globale de l’ensemble, comme la danse phallique autour du petit homme. C’est cependant ce récit biaisé et axé sur l’homme
qui est resté gravé dans l’esprit des gens.

Les personnes qui ont peint ces figures voulaient montrer leur connexion avec la nature
et les liens qu’elles établissaient avec ce qui les entourait.
Les scènes nous montrent des traditions, des croyances ou des cérémonies transmises de génération en génération pendant des milliers d’années.
Nous voyons des scènes de chasse de cerfs et des relations mystérieuses entre des personnes, surtout des femmes, et des animaux.
Que pouvons-nous savoir de plus des images que nous voyons ?

L’une des premières théories, et l’une des plus répétées, dit qu’il s’agit d’un rituel célébrant la reproduction.
L’un des éléments renforçant cette idée est la biche au ventre vide, qui pourrait attendre un petit.

Ces peintures montrent une vision du monde marquée par la répétition des cycles de la nature et par l’importance de la survie et de la reproduction du groupe.

Mais si nous considérons l’archéologie d’un point de vue féministe, il y a d’autres interprétations qui mettent l’accent sur les activités sociales et sur le rôle actif des femmes.

La scène centrale, par exemple, peut être interprétée comme un groupe de femmes qui avancent ensemble, peut-être vers une cérémonie politique ou sociale, ou qui partagent éventuellement des idées et des opinions sur la vie.

Nous ne saurons probablement jamais la signification complète de ces peintures.
Mais nous devons nous efforcer de protéger leur connaissance, si importante pour la continuité de l’humanité, où les femmes jouent un rôle central.

Par conséquent, il est clair que la Roca dels Moros, où les femmes sont les protagonistes de l’action, est le lieu idéal pour mettre fin aux stéréotypes de rôle et de genre qui considèrent les femmes inférieures aux hommes.

Le premier stéréotype que nous devons bannir concerne les personnes qui ont peint ces dessins : avez-vous pensé que les auteurs de cette fresque pourraient être des femmes ?
Ce serait pourtant tout à fait normal vu la thématique, n’est-ce pas ?

On nous a toujours raconté que, au cours de la préhistoire et de l’histoire, les hommes faisaient certaines tâches, et les femmes en accomplissaient d’autres.
On ne nous a pas dit que les femmes chassaient aussi, qu’elles cueillaient des fruits ou fabriquaient des outils en pierre.
Nous savons aujourd’hui qu’elles le faisaient aussi.

Observez à nouveau la scène de chasse de gauche.
Nous ne savons pas si la personne qui tient l’arc est un homme ou une femme, mais les stéréotypes nous font automatiquement penser qu’il s’agit d’un homme.

Les peintures de la Roca dels Moros nous amènent à réfléchir sur le rôle des femmes de la préhistoire dans les activités sociales et économiques.

Elles nous aident également à apprécier les tâches de prise en charge, qui reviennent presque toujours aux femmes.
La maternité ou les soins apportés aux autres sont indispensables pour assurer notre survie, et ils sont valorisés dans la société actuelle.
Peut-être l’étaient-ils encore plus à l’époque préhistorique ?

La Roca dels Moros a été un espace important pour diverses cultures à des moments et des époques très éloignés dans le temps.
Au fil des millénaires, les peintures originales ont été respectées et même repeintes par d’autres personnes.

Des figures et des inscriptions ont été ajoutées, changeant, de manière consciente ou inconsciente, le sens de l’ensemble.
D’une certaine manière, les nouvelles générations étaient capables de comprendre et de partager la signification des peintures.

En voyant les images à l’endroit même où elles ont été peintes, nous pouvons imaginer leur importance et deviner que la grotte était le lieu de passage, qui était visité pour renouer avec la nature et assurer la survie du groupe humain.

Sentez-vous la connexion avec cet espace si spécial que nos ancêtres ont choisi à de multiples reprises ?
Accordez-vous un moment pour l’apprécier en silence : il le mérite vraiment.

Pour conclure, nous vous proposons une réflexion.

Nous savons que, au fil des millénaires, des personnes de cultures différentes se sont exprimées à l’aide de dessins et d’inscriptions et ont laissé leur trace à la Roca dels Moros.

Si nous disposions aujourd’hui d’un lieu similaire pour nous exprimer, que représenterions-nous ? Qui aurait le droit de le faire ?
Qu’est-ce qui nous identifie en tant que société ? Et vous, qu’est-ce que vous apporteriez ?